L’Enfant


Publication et mise en image de L’Enfant de Jules Vallès, livraison de l’œuvre en feuilleton comme lors de la première parution dans le journal Le Siècle (1877).

«[…]Le ton, complexe, est donné dès ce chapitre I: par le mélange des tons et des registres, pathétiques et comiques surtout; par les ruptures rapides entre eux ; par certaines audaces grammaticales et langagières; plus encore: par les ruptures entre des paragraphes très inégaux, d’une ligne ou d’une phrase parfois; ici, par la répartition du texte sur deux colonnes, comme XIXe siècle : l’horizontalité brisée; un ordre vertical entre en jeu avec l’ordre horizontal; les blancs se multiplient; l’heureux montage, ici encore des images et des lettres ; les images dominantes dans le trait d’Eloi Valat, de l’enfant-saltimbanque et de la mère au châle dur; tout contribue à théâtraliser le texte de Vallès, comme ce texte même le demandait.»

Roger Bellet*
Introduction à L’Enfant, Jacques Vingtras 1, illustré et mis en page par Eloi Valat.

«Ses illustrations relèvent de la caricature minute. Le chapitre III est semé de personnages, en pied ou en buste, tous présentés frontalement: Eloi Valat croque séparément les polissons du Martouret, Mademoiselle Balandreau tenant Jacques par la main, le père, le lampiste, les élèves devant le tableau noir orné de caricatures du père Vingtras, M. Beliben, comme les figures grimaçantes du cauchemar scolaire…, comme les élément d’un monde nouveau auquel le héros doit faire face. Le collège n’est donc pas ici un bâtiment, mais un ensemble de gens avec lesquels entre en relation le je qui parle dans le texte intercalé. Chaque dessin est accompagné d’un extrait du texte qui permet d’identifier le(s) personnage(s), et à chaque fois c’est la violence ou l’agressivité qui est soulignée. Les adultes sont en pied, sur presque toute la hauteur de la page (format journal, rappelons-le), présences imposantes, autorités stables sur leurs pieds divergents. En noir et blanc, le trait mal léché, le cerne noir sur un œil connotent la dureté. En revanche, sur la page de titre un écolier au crâne rasé comme un prisonnier se dresse, en couleurs —ce qui atténue l’agressivité du trait—, vêtu d’un sarrau bleu et d’une culotte courte rouge, exactement comme un soldat qui porterait sa besace par devant: ainsi sont suggérés l’idée d’enfermement, l’assimilation du collège à une caserne. Penché en arrière, pris dans un disque gris évoquant une poursuite de théâtre, l’enfant est en déséquilibre, comme pour éviter le mot “collège” du titre; les bras ballants, les pieds convergents, le regard de côté, il semble mal à l’aise. À cette image répond celle en couleurs de la dernière page, dans un cercle, comme un cul-de-lampe anticipé, représentant Jacques endormi sur Les Vacances d’Oscar, s’appuyant symboliquement sur ce livre, à côté d’une bougie dont le halo jaune clair et le bougeoir mauve introduisent l’idée de douceur. En réponse au demi-cercle de la page de titre, cela évoque le procédé cinématographique de la fermeture
(liée comme souvent au sommeil) à l’iris. Eloi Valat retient donc de l’école les relations sociales, et l’entrée au collège évoque à la fois un monde à la Dickens et une sorte de conte de fées où un enfant rencontre divers ogres, en passant du
monde des polissons au monde scolaire.»

Georges Mathieu
«Remarques (sans prétention) sur les illustrations»,
«Vallès à l’école», Autour de Vallès, revue de lectures et d’études vallésiennes, 2005


* Roger Bellet, Jules Vallès, journalisme et Révolution, Du Lérot, 1987; Jules Vallès, Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard tome 1, 1975, tome 2, 1990 ; Jules Vallès, Fayard, 1995.